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Linux est open source, donc invincible… enfin, paraît-il


Il y a un truc qu’on lit souvent dans les forums, les meetups Linux, les conférences “sécurité” : “ C'est open source, donc on peut tout vérifier, donc c’est sécurisé. ”
Évidemment, c’est faux et je vais casser le mythe en affirmant que "Libre et open source ne sont pas synonymes de sécurité”. Mais ce n’est pas simplement une pique cynique : c’est fondé, documenté, et truffé de paradoxes. Alors attache ta ceinture : on va explorer ce qui rend Linux (et le logiciel libre en général) potentiellement sûr mais aussi vulnérable, parce que le diable, comme toujours, est dans les détails.

Ah, l’argument imparable du libriste évangéliste :

« Linux, c’est open source, donc c’est sécurisé. »

Rien qu’à l’entendre, on croirait presque que l'ANSSI a abdiqué et que les ransomwares ont pris leur retraite.
Mais la réalité est nettement moins magique : ouvrir le code ne suffit pas à fermer les failles !

« Plus d’yeux sur le code = plus de sécurité » (ou comment croire au Père Noël en C)

C’est vrai, dans l’absolu, plus de monde peut regarder le code.
Mais la majorité des utilisateurs ne lira jamais une seule ligne de code du noyau Linux. Et même dans les grands projets, les audits sont souvent concentrés sur quelques mainteneurs épuisés, pendant que les autres se prennent la tête sur GitHub pour savoir s’il faut mettre un espace avant la parenthèse.
Résultat : certaines failles dorment paisiblement pendant dix ans avant d’être découvertes par un stagiaire ou un pirate un peu trop curieux.
L’idée que “l’open source se corrige tout seul” tient plus de la foi que de la science.

La transparence, ce n’est pas la sécurité

Oui, le code est visible. Mais visible par qui ?
Pas par les millions d’utilisateurs, ni même par la majorité des développeurs.
Et si une dépendance open source intègre un bout de code vérolé (volontairement ou non), il peut dormir tranquille dans un dépôt public jusqu’à ce qu’un chercheur en sécurité tombe dessus par hasard.
Le meilleur exemple : la faille Log4Shell (2021) dans la bibliothèque Java Log4j.
Open source, populaire, utilisée partout… et vulnérable pendant des années.
Résultat : des millions de serveurs compromis. Un cauchemar qui a rappelé que même un code ouvert peut devenir une bombe à retardement, si personne ne prend le temps de le désamorcer.

La diversité, oui mais pas toujours la cohérence

“Linux, c’est plus sûr parce qu’il y a plein de distributions différentes.”
C’est vrai : cette fragmentation complique la vie des pirates.
Mais elle complique aussi celle des administrateurs, des utilisateurs, et parfois même des développeurs.
Chaque distro a sa manière de gérer les paquets, ses politiques de sécurité, ses cycles de mises à jour.
Autrement dit, plus personne ne sait qui doit patcher quoi, ni quand !
Et quand une faille touche le noyau, la course au correctif ressemble à un marathon en tongs :


L’open source n’a pas d’immunité diplomatique

Contrairement à ce que certains aiment croire, Linux est bel et bien une cible.
Il est partout : serveurs web, infrastructures cloud, routeurs, objets connectés… et c’est précisément ce qui attire les attaquants.
Des ransomwares comme Linux.RansomEXX ou DarkRadiation l’ont déjà démontré : oui, on peut chiffrer un serveur Debian, et non, ça ne rend pas la chose “librement sécurisée”.
L’illusion vient surtout de l’absence d’antivirus visibles sur le bureau : les utilisateurs se sentent invincibles, simplement parce qu’ils n’ont pas d’alerte rouge façon Windows Defender.
Mais ça ne veut pas dire que le danger n’existe pas — juste qu’il ne prévient pas avant de frapper.

La vraie sécurité : une question de discipline, pas d’idéologie

La sécurité, ce n’est ni un sticker “open source” ni une incantation shell.
C’est une discipline, une culture, une hygiène numérique.
Le chercheur Eugene Spafford (Purdue University) l’écrivait déjà en 2002 :

« L’ouverture du code ne rend pas un logiciel plus sûr. Ce sont les pratiques, la rigueur et la réactivité des développeurs qui comptent. »

En clair :

Quelques chiffres qui piquent un peu

Une étude Coverity (via Wired en 2013) a montré que :
Les projets open source de moins d’un million de lignes de code ont autant de bugs que les logiciels propriétaires (~0,69 défauts/1000 lignes).
Mais au-delà, les logiciels open source deviennent plus vulnérables (~0,75 vs 0,66 pour le propriétaire).

En clair : plus un projet grossit, plus sa sécurité dépend de sa gouvernance et de sa capacité à gérer la complexité, pas de son idéologie.

Le vrai secret : un admin parano et des patchs fréquents

Si Linux peut être plus sûr, c’est parce qu’il permet de l’être et pas parce qu’il l’est par nature.
La différence entre un serveur Debian blindé et un Ubuntu Desktop infesté de rootkits, c’est un seul paramètre : celui qui le configure (la fameuse ICC).
Quelques vérités à rappeler :


Un utilisateur qui ne met pas à jour son système est une menace publique, quelle que soit la couleur du pingouin sur son fond d’écran.

le libre oui, mais pas libre de réfléchir

Être libre, ce n’est pas fermer les yeux en répétant “c’est open source, donc c’est sûr”.
C’est comprendre ce qu’on utilise, vérifier ses sources, appliquer ses patchs et arrêter de prendre son OS pour un bouclier magique.
Linux, c’est comme une arme bien affûtée : entre les mains d’un expert, c’est redoutable, entre les mains d’un amateur… c’est un danger public.

Sources :
Next INpact
SentinelOne
Eugene Spafford
Wilson Center

Cet article a été écrit avec un combo IA + bon sens humain. Parce que l’un sans l’autre, c’est souvent foireux !

Commentaires (2)

avatar de ahmgm
ahmgm 04/10/2025 (édité le 04/10/2025 à 11:06)

Article très instructif et réaliste.
      J'ai toujours maugréé sur le nombre imposant de distributions Linux (>350 actuellement) qui nécessite une très grande quantité de par le monde de développeurs et de vérificateurs de code.
      Pas facile non plus pour conseiller des potentiels utilisateurs dans un choix donné (l'aide locale et/ou à distance pourra s'avérer compliquée par la suite), cela fait le bonheur de Windows, jusqu'à quand?
      L'article ne parle pas des bugs et des problèmes potentiels de sécurité qui peuvent survenir entre des utilisateurs ayant sur leurs machines des distributions Ubuntu, Red Hat, Mint, Fedora, distributions moins connues, etc.. avec des bibliothèques, des protocoles différents, et qui collaborent et donc communiquent entre eux.

avatar de vincent
vincent 04/10/2025 (édité le 04/10/2025 à 12:31)

Oui, c'est un peu le talon d'Achille toutes ces distros plus ou moins officielles. C'est pour cela que je reste sur les classiques ou des dérivés direct des "classiques" (comme Mint LMDE par exemple ou Ubuntu ou encore Fedora).

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