
Histoire du logiciel
Histoire du logiciel : des câbles, des barbus… et deux braquages en plein jour
Au début, programmer voulait dire rebrancher des câbles et s’arracher la peau des doigts. Puis sont arrivés les cartons troués, l’assembleur, FORTRAN et les compilateurs. Tout allait vers plus de simplicité… jusqu’à ce que le business se souvienne que « simplicité » rime aussi avec « profits ».
L’histoire du logiciel, c’est une alternance entre collaboration géniale et confiscation des libertés. Deux fois. Et ça pourrait recommencer.
Acte I — Les gentils : bricol’Unix et esprit hacker
- Multics tente de faire du multi-utilisateur propre. Trop d’excellence, trop de paperasse, ça capote.
- Ken Thompson, laissé seul un mois (merci la belle-famille), bidouille une version « minimaliste » : Unics → Unix.
- Avec Dennis Ritchie, ils inventent C (une lettre, c’est plus rapide à taper entre deux cafés).
- Philosophie : petits programmes qui font une seule chose bien + pipes pour les enchaîner.
- L’idée circule sur ARPANET, la moitié d’Internet tient dans une salle et s’extasie.
- AT&T ne peut pas vendre du logiciel (antitrust), du coup le code circule entre universités (Berkeley en tête). On s’envoie du code source comme des recettes de cuisine. L’âge d’or.
Le grain de sable
- Le monde découvre la propriété intellectuelle version « tout m’appartient pour toujours » et des licences qui transforment l’achat en droit d’usage conditionnel.
- Réaction académique : licence BSD (« fais ce que tu veux, cite-nous »).
- John Lions commente le code Unix : best-seller clandestin. AT&T fait la moue, les étudiants font des photocopies.
Acte II — Le braquage n°1 : “Clique sur J’accepte, citoyen”
Années 80 : Thatcher, Reagan, Bork (le monsieur qui a rendu les monopoles « OK si ça n’augmente pas trop les prix »).
Résultat :
- Le logiciel devient contrat. Tu n’achètes plus un bien, tu lui loues ton âme.
- Les EULA pleuvent plus vite qu’on ne peut les lire (et tu « consens » quand même).
- Microsoft rafle la mise avec MS-DOS/Windows sur le PC d’IBM (architecture ouverte, conditions pas très ouvertes). Le reste du micro-monde crève avec panache.
Acte III — La Résistance : Stallman, GNU et la clause qui libère
- Richard Stallman (rms) voit ses potes partir en privé et les portes se fermer. L’imprimante « propriétaire » finit de l’énerver.
- Il formalise les 4 libertés du logiciel libre : 1-utiliser ; 2-étudier ; 3-modifier ; 4-partager.
- Il invente la GPL : tu peux tout faire… sauf refermer ce qui a été ouvert.
- Il réécrit l’écosystème façon GNU. Il manque juste le noyau.
Coup de théâtre finlandais
- BSD se prend un procès (berkeley vs AT&T), ambiance glaciale.
- Linus Torvalds publie un noyau jouet sur Usenet. Les hackers s’en emparent, l’améliorent, et Linux naît.
- GNU + Linux = système complet libre, empaqueté en distributions (Debian, Red Hat, etc.).
- La méthode « bazar » triomphe (merci git plus tard). L’open source (Raymond / Perens) gagne un label « corporate-compatible ».
- Microsoft hurle au « cancer », Apple recycle FreeBSD pour faire macOS et iOS — propriétaires mais bien coiffés.
Acte IV — Le braquage n°2 : le téléphone, la poche… et ton intimité
- 2007 : iPhone et Android. Les App Stores reprennent l’idée du dépôt… avec 30% de dîme et un portique à l’entrée.
- Android ? Oui, noyau Linux, mais soigneusement dés-GPL-isé côté userland. Sans blobs Google, ton tél boite.
- Et surtout : Le Cloud. Tes données ne sont plus chez toi mais « quelque part ». Les plus grosses boîtes du monde vivent de ton attention et de tes traces.
État des lieux — Paradoxe XXL
- On a plus de puissance dans une montre que la NASA pour aller sur la Lune, mais moins de contrôle que jamais.
- « Apprendre l’informatique » via une tablette verrouillée, c’est comme apprendre la mécanique en prenant un Taxi.
- Les devs sont dressés à suivre des frameworks toboggans sans lever le capot.
- Conclusion ploumienne : l’informatique est trop importante pour la laisser à quelques monopoles. Le logiciel libre n’est pas un hobby : c’est un pare-chocs civique.
Ce qu’il faut retenir (et faire, hier)
- Comprendre > Consommer : lire le code (ça ment moins que StackOverflow).
- Choisir des alternatives : OS, apps, services qui respectent les 4 libertés.
- Limiter la capture : moins de cloud-casino, plus d’auto-hébergé (ou de fournisseurs éthiques).
- Former vraiment : écoles, facs, administrations — arrêter le « créez un compte chez X » comme pédagogie numérique.
- Assumer le politique : on ne milite pas pour l’écologie/la justice sociale avec des plateformes qui font l’inverse par design.
Épilogue — En attente de la « troisième grande collaboration »
- Deux vagues de collaboration (Unix, puis GNU/Linux) ont été suivies de confiscations (licences propriétaires, puis cloud/appstores). La troisième vague devra mêler technique, éducation, gouvernance et un soupçon d’insolence.
- En attendant, désinstalle une appli, lis un README, auto-héberge un service, et offre-toi le luxe bourgeois du contrôle.
Bonus : la minute Technifree
- L'équipe "Libertés" : GNU/Linux, BSD, fediverse, F-Droid, Nextcloud, Matrix, Mastodon.
- L'équipe "Menottes en velours" : App Stores fermés, blobs obèses, EULA « jusqu’à la fin des temps et au-delà ».
- Choisis ton camp, camarade. Et n’oublie pas : la magie, c’est juste de la technique qu’on ne t’a pas laissé apprendre.
Source : Ploum
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